Poème element - 8 Poèmes sur element
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Plus sur ce poème | Commenter le poème | Imprimer le poèmeEh bien ! reprends-le donc ce peu de fange obscure
Qui pour quelques instants s'anima sous ta main ;
Dans ton dédain superbe, implacable Nature,
Brise à jamais le moule humain.
De ces tristes débris quand tu verrais, ravie,
D'autres créations éclore à grands essaims,
Ton Idée éclater en des formes de vie
Plus dociles à tes desseins,
Est-ce à dire que Lui, ton espoir, ta chimère,
Parce qu'il fut rêvé, puisse un jour exister ?
Tu crois avoir conçu, tu voudrais être mère ;
A l'œuvre ! il s'agit d'enfanter.
Change en réalité ton attente sublime.
Mais quoi ! pour les franchir, malgré tous tes élans,
La distance est trop grande et trop profond l'abîme
Entre ta pensée et tes flancs.
La mort est le seul fruit qu'en tes crises futures
Il te sera donné d'atteindre et de cueillir ;
Toujours nouveaux débris, toujours des créatures
Que tu devras ensevelir.
Car sur ta route en vain l'âge à l'âge succède ;
Les tombes, les berceaux ont beau s'accumuler,
L'Idéal qui te fuit, l'Ideal qui t'obsède,
A l'infini pour reculer.
L'objet de ta poursuite éternelle et sans trêve
Demeure un but trompeur à ton vol impuissant
Et, sous le nimbe ardent du désir et du rêve,
N'est qu'un fantôme éblouissant.
Il resplendit de loin, mais reste inaccessible.
Prodigue de travaux, de luttes, de trépas,
Ta main me sacrifie à ce fils impossible ;
Je meurs, et Lui ne naîtra pas.
Pourtant je suis ton fils aussi ; réel, vivace,
Je sortis de tes bras des les siècles lointains ;
Je porte dans mon cœur, je porte sur ma face,
Le signe empreint des hauts destins.
Un avenir sans fin s'ouvrait ; dans la carrière
Le Progrès sur ses pas me pressait d'avancer ;
Tu n'aurais même encor qu'à lever la barrière :
Je suis là, prêt à m'élancer.
Je serais ton sillon ou ton foyer intense ;
Tu peux selon ton gré m'ouvrir ou m'allumer.
Une unique étincelle, ô mère ! une semence !
Tout s'enflamme ou tout va germer.
Ne suis-je point encor seul à te trouver belle ?
J'ai compté tes trésors, j'atteste ton pouvoir,
Et mon intelligence, ô Nature éternelle !
T'a tendu ton premier miroir.
En retour je n'obtiens que dédain et qu'offense.
Oui, toujours au péril et dans les vains combats !
Éperdu sur ton sein, sans recours ni défense,
Je m'exaspère et me débats.
Ah ! si du moins ma force eût égalé ma rage,
Je l'aurais déchiré ce sein dur et muet :
Se rendant aux assauts de mon ardeur sauvage,
Il m'aurait livré son secret.
C'en est fait, je succombe, et quand tu dis : « J'aspire ! »
Je te réponds : « Je souffre ! » infirme, ensanglanté ;
Et par tout ce qui naît , par tout ce qui respire,
Ce cri terrible est répété.
Oui, je souffre ! et c'est toi, mère, qui m'extermines,
Tantôt frappant mes flancs, tantôt blessant mon cœur ;
Mon être tout entier, par toutes ses racines,
Plonge sans fond dans la douleur.
J'offre sous le soleil un lugubre spectacle.
Ne naissant, ne vivant que pour agoniser.
L'abîme s'ouvre ici, là se dresse l'obstacle :
Ou m'engloutir, ou me briser !
Mais, jusque sous le coup du désastre suprême,
Moi, l'homme, je t'accuse à la face des cieux.
Créatrice, en plein front reçois donc l'anathème
De cet atome audacieux.
Sois maudite, ô marâtre ! en tes œuvres immenses,
Oui, maudite à ta source et dans tes éléments,
Pour tous tes abandons, tes oublis, tes démences,
Aussi pour tes avortements !
Que la Force en ton sein s'épuise perte à perte !
Que la Matière, à bout de nerf et de ressort,
Reste sans mouvement, et se refuse, inerte,
A te suivre dans ton essor !
Qu'envahissant les cieux, I'Immobilité morne
Sous un voile funèbre éteigne tout flambeau,
Puisque d'un univers magnifique et sans borne
Tu n'as su faire qu'un tombeau !
L’Homme à la Nature
Poèmes de Louise Ackermann
Citations de Louise Ackermann
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Plus sur ce poème | Commenter le poème | Imprimer le poèmeQuand le vieux Gœthe un jour cria : « De la lumière ! »
Contre l'obscurité luttant avec effort,
Ah ! Lui du moins déjà sentait sur sa paupière
Peser le voile de la mort.
Nous, pour le proférer ce même cri terrible,
Nous avons devancé les affres du trépas ;
Notre œil perçoit encore, oui ! Mais, supplice horrible !
C'est notre esprit qui ne voit pas.
Il tâtonne au hasard depuis des jours sans nombre,
A chaque pas qu'il fait forcé de s'arrêter ;
Et, bien loin de percer cet épais réseau d'ombre,
Il peut à peine l'écarter.
Parfois son désespoir confine à la démence.
Il s'agite, il s'égare au sein de l'Inconnu,
Tout prêt à se jeter, dans son angoisse immense,
Sur le premier flambeau venu.
La Foi lui tend le sien en lui disant : « J'éclaire !
Tu trouveras en moi la fin de tes tourments. »
Mais lui, la repoussant du geste avec colère,
A déjà répondu : « Tu mens ! »
« Ton prétendu flambeau n'a jamais sur la terre
Apporté qu'un surcroît d'ombre et de cécité ;
Mais réponds-nous d'abord : est-ce avec ton mystère
Que tu feras de la clarté ? »
La Science à son tour s'avance et nous appelle.
Ce ne sont entre nous que veilles et labeurs.
Eh bien ! Tous nos efforts à sa torche immortelle
N'ont arraché que les lueurs.
Sans doute elle a rendu nos ombres moins funèbres ;
Un peu de jour s'est fait où ses rayons portaient ;
Mais son pouvoir ne va qu'à chasser des ténèbres
Les fantômes qui les hantaient.
Et l'homme est là, devant une obscurité vide,
Sans guide désormais, et tout au désespoir
De n'avoir pu forcer, en sa poursuite avide,
L'Invisible à se laisser voir.
Rien ne le guérira du mal qui le possède ;
Dans son âme et son sang il est enraciné,
Et le rêve divin de la lumière obsède
A jamais cet aveugle-né.
Qu'on ne lui parle pas de quitter sa torture.
S'il en souffre, il en vit ; c'est là son élément ;
Et vous n'obtiendrez pas de cette créature
Qu'elle renonce à son tourment.
De la lumière donc ! Bien que ce mot n'exprime
Qu'un désir sans espoir qui va s'exaspérant.
A force d'être en vain poussé, ce cri sublime
Devient de plus en plus navrant.
Et, quand il s'éteindra, le vieux Soleil lui-même
Frissonnera d'horreur dans son obscurité,
En l'entendant sortir, comme un adieu suprême,
Des lèvres de l'Humanité
De la Lumière !
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